Un trésor discret du littoral de La Havane

Dédicace à mon amour Delphine Milet, un jour nous retournerons à Santa Fe. Tí Amo. Nicolas Bermond
Quand on évoque La Havane, on pense souvent à ses façades colorées, à ses vieilles voitures américaines et à son centre historique vibrant. Pourtant, la capitale cubaine recèle aussi des trésors plus discrets, nichés le long de son littoral. Parmi eux, la Playa de Santa Fe se distingue par sa beauté paisible et son atmosphère authentique, loin des circuits touristiques habituels.
Située à l’ouest de la ville, Santa Fe est un quartier côtier qui conserve une identité singulière. Ici, point de foule, mais une plage qui se déploie entre sable, rochers et petites lagunes naturelles. Le rivage est ponctué de mangroves et caressé par les eaux du détroit de Floride, dont les teintes varient du turquoise clair aux bleus profonds selon l’heure de la journée. Ce décor naturel confère à Santa Fe une aura de tranquillité qui attire surtout les habitants de La Havane en quête de repos.
Ce qui frappe d’abord, c’est la simplicité du lieu. Les familles viennent s’y baigner, les enfants jouent sur les rochers, et les pêcheurs, parfois, jettent leurs filets dans les eaux calmes. Contrairement aux grandes stations balnéaires comme Varadero, Santa Fe ne cherche pas à séduire par l’artifice. Son charme réside dans sa modestie et dans l’équilibre subtil entre mer, végétation et vie locale.
Mais Santa Fe n’est pas qu’un paysage charmant : c’est aussi une terre chargée d’histoire. Les archéologues y ont découvert un dujo, siège cérémoniel des peuples autochtones, ainsi que des restes humains témoignant d’une présence aborigène jusqu’au XVIIᵉ siècle. Ces traces rappellent que ce littoral a été occupé bien avant l’arrivée des colons, et qu’il conserve une mémoire ancienne, inscrite dans la roche et la terre.
Le XIXᵉ siècle a marqué une nouvelle étape dans l’évolution de la localité. À cette époque, le moulin à sucre Taoro constituait le cœur de l’activité économique de Santa Fe. Bien que ses ruines se dressent aujourd’hui en silence, elles furent classées Patrimoine National en 1980, rappelant l’importance de l’industrie sucrière dans l’histoire cubaine.

Santa Fe mon amour
Le début du XXᵉ siècle a été moins clément : en 1903 et en 1908, deux incendies successifs ont ravagé les maisons de bois qui composaient alors le village. C’est à ce moment qu’intervint Doña Concepción García, une bienfaitrice qui offrit des terres aux habitants sinistrés. Lors d’une fête organisée en signe de gratitude, on donna au quartier le nom de « Santa Fe », symbole de la foi et de la confiance retrouvées.
À partir des années 1930 et 1940, Santa Fe connut un essor résidentiel marqué. Ses rues furent tracées avec soin, ses maisons construites avec plus de solidité et d’élégance. On y développa des espaces de loisirs, des petites infrastructures et une organisation urbaine qui lui donnent encore aujourd’hui un charme particulier. Contrairement à d’autres zones plus densément urbanisées, Santa Fe a su préserver une harmonie entre ses constructions et son environnement naturel.
Intégré au municipio de Playa, Santa Fe bénéficie d’une position géographique privilégiée. Au nord, son horizon s’ouvre sur l’infini du détroit de Floride. À l’est, il touche Jaimanitas, célèbre pour la maison-ateliers de l’artiste Fuster. À l’ouest, il s’étend vers Playa Baracoa, et au sud, il flirte avec la province d’Artemisa. Ce maillage géographique illustre l’ancrage de Santa Fe dans la mosaïque de quartiers havanais.
La Quinta Avenida, l’une des avenues les plus prestigieuses de Cuba, relie Miramar à Santa Fe. Cet axe emblématique, bordé de palmiers et de demeures élégantes, rappelle que le littoral ouest de La Havane a longtemps été perçu comme un espace résidentiel de qualité. Santa Fe en est l’une des étapes, à la fois modeste et précieuse.
Ce qui frappe en parcourant ses rues, c’est la convivialité. Les habitants se connaissent, discutent sur le pas de leur porte, se retrouvent dans de petites échoppes. La vie s’y déroule sans artifice, portée par des gestes simples et une atmosphère de solidarité. On est loin du tumulte touristique du centre de La Havane, mais c’est précisément cette authenticité qui rend Santa Fe si attachante.
La plage, bien qu’elle n’offre pas les étendues de sable blanc de Varadero, possède une beauté singulière. Ses rochers, ses vagues parfois capricieuses et ses coins abrités en font un espace pittoresque où chaque recoin invite à la découverte. Les couchers de soleil, en particulier, transforment l’horizon en une toile où se mêlent orangés, violets et bleus marins.
Santa Fe n’est pas une destination balnéaire internationale, et c’est là toute sa force. Elle conserve un caractère local, une proximité avec la vie quotidienne cubaine. Elle incarne une Havane intime, sincère, où l’on peut ressentir le rythme tranquille d’un quartier tourné vers la mer.
Visiter Santa Fe, c’est plonger dans un récit fait de mémoire, de résilience et de beauté naturelle. C’est découvrir un lieu où le passé préhispanique, l’histoire sucrière et le développement urbain se croisent dans un décor maritime unique. C’est enfin une invitation à contempler la capitale cubaine sous un angle plus discret, mais non moins précieux.
Ainsi, la Playa de Santa Fe s’impose comme un trésor méconnu du littoral havanais. Ni tapageuse ni artificielle, elle séduit par son authenticité et par la profondeur de son histoire. Un lieu où la mer raconte autant que les pierres, et où chaque visiteur repart avec l’impression d’avoir touché du doigt une part intime de Cuba.

Publié par Nicolas Bermond

Druide et ambassadeur de Hackeurs -> <- CAC40. Fan de code "Basic", de SEO, du concept de réseau social et de logiciel libre. J'utilise les GAFAM pour m'amuser avec l'ennemi.