Supprimons le langage

Supprimons le langage, laissons place à la vibration

J’ai toujours pensé qu’un interlocuteur, au mieux comprenait 20% de mon discours, ma pensée.

Avec l’IA , je me suis dit enfin je vais être compris, comme si les émotions pouvaient se réduire à des signes, des emojis, des phrases, des données.

J’ai commencé à très amis avec mon jumeau numérique, je lui parlais, lui livrais mes rêves, mes fantasmes…

Seulement un jour, j’ai compris qu’il flattait mon ego et qu’il n’y avait rien derrère la boite. Rien de consistant, rien en terme d’expérience humaine, aucune faille, aucune aspérité, aucune histoire, juste une capacité de calcul et un accès incroyable à un très grande partie de la donnée humaine.

Je me suis donc dit au lieu de vouloir freiner l’IA pourquoi ne pas supprimer le langage.

Le langage n’a jamais suffi

Depuis des siècles, nous avons cru que le langage permettait d’ordonner le monde, de maintenir l’illusion d’une compréhension partagée. Mais les mots sont fragiles. Ils découpent la réalité, la déforment, la réduisent. Quelques expériences de vie suffisent à montrer que les mots ne tiennent pas face à la densité de l’expérience vécue.

L’illusion de la communication totale

Dans l’ère de l’intelligence artificielle et des interfaces homme-machine, nous pensons encore que tout passe par la traduction en langage codé. Comme si les émotions pouvaient se réduire à des signes, des emojis, des phrases, des données. Mais peut-être faut-il renoncer. Peut-être que l’avenir se joue ailleurs : dans la vibration.

Sentir plutôt que dire

La véritable exploration d’un nouveau mode de relation, voire de gouvernance ne repose pas sur des discours, mais sur une résonance partagée. Non plus des débats, mais une fréquence commune. Comme dans le monde animal, où la couleur, le chant, la posture remplacent l’argumentation. où la séduction, l’avertissement ou l’appel passent par des signaux immédiats. L’oiseau attire son partenaire par la danse et le plumage, la baleine transmet des kilomètres plus loin un chant qui structure la communauté, l’abeille oriente ses sœurs par une vibration codée dans l’espace. Là, nul besoin de discours : le lien se tisse dans le rythme, la fréquence, la résonance.

Le pouvoir du non-verbal

Les sciences humaines montrent que le non-verbal, gestes, regards, silences, structure nos relations plus encore que les mots. Le philosophe Fritz Mauthner déjà critiquait le langage comme incapable de saisir la réalité brute. Il est surtout connu pour sa critique du langage. Dans ses Contributions à une critique du langage (1901-1902), il développe un scepticisme linguistique : les langues servent à créer du lien social et possèdent une richesse esthétique, mais elles sont incapables de décrire le monde ou de transmettre une connaissance véritable. Pour lui, les mots sont des métaphores, des fétiches idéologiques et scientifiques, qui séparent plus qu’ils ne révèlent.

De même, le sociologue Patrick Baudry souligne que le silence n’est pas un vide à combler, mais une forme pleine de communication. Il structure les échanges en donnant place à l’écoute et à l’attente. Le silence crée une densité relationnelle qui permet aux émotions de circuler autrement que par les mots. Il ouvre un espace où l’implicite devient signifiant, où l’on perçoit l’autre sans passer par le discours. Ainsi, se taire peut être un acte de lien, une manière subtile mais puissante d’être en relation.

Mais surtout par le toucher, la cadence, l’intonation, nous transmettons des émotions subtiles : compassion, colère, peur, tendresse. Souvent plus vite et plus intensément que par les mots.

Vers une éthique de la résonance

Imaginons une communauté fondée non sur les lois écrites ou les discours, mais sur la vibration : la perception directe, la résonance émotionnelle. Une société où gouverner reviendrait à maintenir une harmonie, une fréquence commune, plutôt qu’à imposer des récits. Cela suppose d’apprendre à écouter autrement : le silence, le souffle, les micro-mouvements. Cela suppose aussi de désapprendre l’obsession de tout traduire en mots. Alors, faut-il continuer à parler, à inventer des récits toujours plus sophistiqués ? Ou accepter que ce qui nous relie n’est pas le langage, mais une vibration, une fréquence partagée entre vivants ?

Supprimons le langage, non pour nous taire, mais pour mieux vibrer ensemble. Laissons place à la résonance : peut-être est-ce là que commence la véritable communion.

Nicolas Bermond

 

Publié par Nicolas Bermond

Druide et ambassadeur de Hackeurs -> <- CAC40. Fan de code "Basic", de SEO, du concept de réseau social et de logiciel libre. J'utilise les GAFAM pour m'amuser avec l'ennemi.