Hacking Spirit

Qu’est-ce qui a changé en 15 ans ?

Pendant 40 ans le hacking a été réservé à une élite d’ingénieurs. Dans les années 80 le hack d’une imprimante signe l’avènement du logiciel libre, des pirates informatiques, et aussi de la démocratisation du piratage en tous genres (streaming, licence etc ).

Pour être hackeur, il faut répondre au moins à 3 critères, le premier être curieux, le deuxième aimer ouvrir des endroits inconnus enfin et surtout croire aux modèles décentralisés c’est-à-dire des structures autonomes et horizontales comme le peer to peer, la blockchain, internet hors GAFAM etc…

Entre 2000 et 2010 la culture hacking s’est démocratisée. Tout le monde bidouille et la bidouille sort au fur et à mesure de l’informatique pour se propager dans tous les pans de la société (bricolage, biologie, marketing)

Au-delà de la bidouille le hackeur est un hacktiviste, il participe et intervient dans les conflits et aide les peuples opprimés à retrouver leurs libertés, l’exemple du printemps arabe avec Telecomix, Anonymous. Le hack est partout. Le hackeur n’est plus un méchant canard, il faut le rencontrer, l’inviter, le chouchouter… On construit des Fablab, on organise des hackatons, on fait des festivals de hacker en été, on inscrit nos enfants dans des hacking schools. La culture Hacking s’est démocratisée / vulgarisée.

Au départ le hacker a un profil ingénieur informatique, il vient du monde du logiciel libre, de culture cyber punk et souhaite faire évoluer la société à l’image des pratiques utilisées dans leurs communautés c’est-à-dire la co-construction et le partage du code, ci-dessous la base.

(liberté 0) La liberté d’exécuter le programme comme vous le souhaitez, et à toute fin ;

(liberté 1) La liberté d’étudier le fonctionnement du programme, et le modifier comme vous le souhaitez pour votre ordinateur ;

(liberté 2) La liberté de redistribuer les copies que vous avez reçues ;

(liberté 3) La liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées pour donner à toute la communauté une chance de profiter de vos modifications .

A savoir, on utilise logiciel libre ou open source de manière interchangeable mais les concepts sont différents, comme le rappel Richard Stallman. La différence fondamentale entre les deux concepts réside dans leur philosophie : « l’open source est une méthodologie de développement; le logiciel libre est un mouvement social ».

C’est donc grâce aux développeurs de logiciels libres que l’on voit naître une multitude de branches.

Le hacker qui souhaite changer le monde en combattant et en se servant de la décentralisation comme socle d’un nouveau modèle.

Le hacker « méchant » mal intentionné qui fait des casses numériques ou qui vend des informations au plus offrant (Black hats)

Le hacker “gentil” éthique ou expert en sécurité informatique qui découvre des failles pour assurer une meilleure sécurité des systèmes d’information d’une organisation ou d’une entreprise. 

Le hacker qui construit une maison autosuffisante.

Le hacker qui fait du marketing et qui se dit prêt à déjouer les GAFAM pour récupérer du trafic (GrowthHacker)

Le hacker qui fait de la biologie dans un BioHackLab pour expérimenter et inventer un futur commun autour des questions de santé, d’environnement, d’alimentation.

Et tout ceux qui trouvent une résonance dans cette culture mais qui généralement ne connaissent pas les fondamentaux nécessaires aux labels.

Oudkarspel 2013
Oudkarspel 2013

Les hackers ne se proclament jamais hackers, cependant tout ce qu’ils font répond à des principes de liberté, de décentralisation et de partage. Les hackers ont accompagné la société vers la décentralisation de ses services, ils sont au coeur de la transition numérique et à l’origine de nombreux changements sociétaux.

En bien en moins bien ?

La philosophie du hacking est maintenant reconnue et transmise. En marketing, on a les growth hackers, les développeurs participent à des hackathons. Le patron d’une boîte fait appel à des corporate hackers pour faire de la conduite de changement. Des entreprises proposent aussi des compensations financières aux hackers pour la découverte de failles de sécurité dans leurs systèmes informatiques, site internet ou logiciels, ces récompenses appelées “bug bounty” sont de plus en plus utilisés par les grandes entreprises du digital.

L’imitation du modèle informatique est sans limite et des fois vide du sens premier.

Les nouvelles générations sont des hackers natifs, trouver la faille est bien plus drôle que gagner le gros lot. Les jeux vidéo propagent cette culture en cachant régulièrement des lots, des secrets (easter eggs). Cette culture a permis de développer la curiosité et la débrouille, dans ce sens, on peut se dire que c’est très bien.

Cependant si on se replonge dans le combat des PAPAS hackeurs comme Richard Stallhan le bilan semble un peu moins glorieux. Le logiciel libre n’a pas réellement conquis les utilisateurs. Ce sont les GAFAM qui ont raflé la mise grâce à une simplicité d’utilisation UI/UX faussement gratuite. Le plus dommageable dans tout ça au-delà du pillage des données personnelles, c’est certainement la perte du pouvoir de l’homme sur la machine.

Ces 15 dernières années malgré le pop de la culture « Hacking » le bilan de notre indépendance et des valeurs portées par celle-ci est plus que médiocre. Google et Facebook ont raflé la mise sur l’usage de l’Internet. Le hacker informatique surfe maintenant sur les bugs ou sur les aberrations…

Le hacker sociétal essaie d’appliquer le principe de décentralisation à l’ensemble des secteurs. La démarche est positive car elle se veut dans une lignée de principes mais souvent il rajoute blockchain sans connaissance pour être dans le mouv’ et faire semblant de coller aux fondamentaux. 

La pire dérive de la culture Hacking est de s’en servir uniquement pour communiquer car au-delà de mentir sur la marchandise au fur et à mesure on tue le concept de base. On a pu le voir avec le mot “open” issu de l’open source repris par Orange et les hashtags de twitter resservit à toutes les sauces par le monde publicitaire. Open source est très strict et un # sert à regrouper des discussions, suivre un flux, catégoriser pas à faire joli sur une affiche… Bien ou moins bien, personne ne peut juger, c’est comme dire c’était mieux avant…

Comment faire pour que cela évolue vers le « mieux » ?

De mon point de vue, il y a en toile de fond plusieurs perspectives, bonnes ou moins bonnes, tout dépend comment on souhaite voir / vivre le futur.

Un scénario de collapsologie (théorie de l’effondrement) amènerait à un usage raisonné et intelligent de l’ensemble de ses données. Le hacker aura un rôle de régulateur / administrateur et veillera à ce que tout le monde puisse avoir accès de manière libre et indépendant.

La blockchain aussi peut jouer un rôle très important dans ce nouveau paradigme. Cette technologie est l’arme fatale de la décentralisation à terme plus besoin de banque pour transférer de l’argent, plus besoin de notaire pour certifier une propriété. La crypto- monnaie remplace au fur et à mesure la monnaie. Le scénario rêvé des hackers crypto-anarchistes qui souhaitent faire évoluer la société vers une gouvernance partagé, ouverte, transparente et collaborative. 

On rêverait de vivre une société horizontale, collaborative, communautaire et locale. Malheureusement ces 15 dernières années confirment que le socle ne sera pas ainsi. Les choix sociétaux et politiques profitent aux GAFAM, qui ont donc recentralisé Internet. Dans ce nouveau paradigme les hackers laissent la place aux trans-humanistes. De nos jours on bidouille moins, de nos jours on cherche plus à augmenter ses compétences. Les rêves d’une société plus juste laissent la place à un monde de la performance qui partage la société en 2, les compétents augmentés et les autres. Le hacker laisse la place à l’ingénieur IA et Big Data…

Dans tous les cas le hacking spirit ancre dans la société des valeurs fortes comme la curiosité, la passion, le jeu, le plaisir, l’échange et le partage. Ce socle est très intéressant pour construire l’avenir dans un monde aussi incertain, nous devons faire confiance aux nouvelles générationss qui sauront trouver la solution pour vivre librement dans un monde « logiciellement » fermé.


Publié par Nicolas Bermond

Druide et ambassadeur de Hackeurs -> <- CAC40. Fan de code "Basic", de SEO, du concept de réseau social et de logiciel libre. J'utilise les GAFAM pour m'amuser avec l'ennemi.

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